15 septembre 2008 1 15 /09 /septembre /2008 07:10


Nec sum adeo informis !
À M. A. d. B.....


Pourquoi faut-il qu'à tous les yeux
Le destin m'ait cachée au sein touffu de l'herbe,
Et qu'il m'ait refusé, de ma gloire envieux,
La majesté du lis superbe ?

Ou que n'ai-je l'éclat vermeil
Que donne le printemps à la rose naissante,
Quand, dans un frais matin, les rayons du soleil
Ouvrent sa robe éblouissante ?

Peut-être pourrais-je en ces lieux
Captiver les regards de la jeune bergère
Qui traverse ces bois, et, d'un pied gracieux,
Foule la mousse bocagère.

Avant qu'on m'eût vu me flétrir,
Je me serais offerte à ses beaux doigts d'albâtre;
Elle m'eût respirée, et j'eusse été mourir
Près de ce sein que j'idolâtre.

Vain espoir ! on ne te voit pas;
On te dédaigne, obscure et pâle violette !
Ton parfum même est vil ; et ta fleur sans appas
Mourra dans ton humble retraite.

Ainsi, dans son amour constant,
Soupirait cette fleur, amante désolée;
Quand la bergère accourt, vole, et passe en chantant;
La fleur sous ses pas est foulée.

Son disque, à sa tige arraché,
Se brise et se flétrit sous le pied qui l'outrage;
Il perd ses doux parfums, et languit desséché
Sur la pelouse du bocage.

Mais il ne fut pas sans attrait
Ce trépas apporté par la jeune bergère,
Et l'on dit que la fleur s'applaudit en secret
D'une mort si douce et si chère.

(Charles-Julien Lioult de Chênedollé)

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