A Louis Tiercelin
Voici les cloches revenues !
Les Pâques ont sonné dans l'air,
Et le printemps rit sur la mer
Dans le sourire blond des nues.
Voici venir par les chemins
Les croyants, les porteurs de palmes;
Ils ont la foi dans leurs yeux calmes,
Et des rosaires dans les mains.
Des couronnes de primevères
Au front des Dieux morts vont fleurir;
On entend des sèves courir
Dans le granit des vieux calvaires.
Des pécheurs ont vu, sur les eaux,
Blanchir la robe du Doux Maître.
Les enfants qui viennent de naître
Ont bégayé dans leurs berceaux.
Et, sous le porche de l'église,
Les saints tressaillent, rajeunis
De sentir éclore des nids
Dans leurs manteaux en pierre grise.
C'est fini des tristes hivers.
Ces moissonneurs de choses mortes
N'iront plus de portes en portes
Geignant le cri des pilawers (*).
Carillonnez Pâques fleuries !
Voici les Temps, les Temps nouveaux !
Déjà hennissent les chevaux
Dans la liberté des prairies.
Des souffles, de grands souffles fous,
Traversent la mer Atlantique,
Et la noble ivresse celtique
A gonflé les sacs binious !
(Anatole Le Braz)
(*) Pilawers : terme breton qui signifie : chiffonniers, colporteurs)