Dans ses langes blancs, fraîchement cousus,
La Vierge berçait son Enfant-Jésus.
Lui, gazouillait comme un nid de mésanges.
Elle le berçait, et chantait tout bas
Ce que nous chantons à nos petits anges.
Mais l'Enfant-Jésus ne s'endormait pas.
Etonné, ravi de ce qu'il entend,
Il rit dans sa crèche, et s'en va chantant
Comme un saint lévite et comme un choriste;
Il bat la mesure avec ses deux bras,
et la Sainte Vierge est triste, bien triste,
De voir son Jésus qui ne s'endort pas.
« Doux Jésus, lui dit la mère en tremblant,
Dormez, mon agneau, mon bel agneau blanc.
Dormez; il est tard, la lampe est éteinte.
Votre front est rouge et vos membres las;
Dormez, mon amour, et dormez sans crainte. »
Mais l'Enfant-Jésus ne s'endormait pas.
« Il fait froid, le vent souffle, point de feu.
Dormez, c'est la nuit, la nuit du bon Dieu.
C'est la nuit d'amour des chastes épouses;
Vite, ami, cachons ces yeux sous nos draps,
Les étoiles d'or en seraient jalouses. »
Mais l'Enfant-Jésus ne s'endormait pas.
« Si quelques instants vous vous endormiez,
Les songes viendraient, en vol de ramiers,
Et feraient leurs nids sur vos deux paupières,
Ils viendront; dormez, doux Jésus. » - Hélas !
Inutiles chants et vaines prières
Le petit Jésus ne s'endormait pas.
Et Marie alors, le regard voilé,
Pencha sur son fils un front désolé,
« Vous ne dormez pas, votre mère pleure,
Votre mère pleure, ô mon bel ami. »
Des larmes coulaient de ses yeux; sur l'heure,
Le petit Jésus s'était endormi.
(Alphonse Daudet)