C'est la pauvre mignonne Rose de Mai
Gardant ses cochons jolis dans la rosée,
Gomme des roses de chair au Pré Charmé.
Au château des enchanteurs, par la croisée
Prince Charmant la regarde énamouré,
Et rêve d'en faire sa frêle épousée.
Elle trop naïve a laissé déchirer
Sa robe aux ronces, et le Prince des fées
S'éprend curieux du corsage ajouré.
Le vent fol souffle des baisers par bouffées;
Insouciante au bord frais des ruisselets,
Elle cueille des iris et des nymphées.
Elle a miré dans l'eau son corps fuselé,
Mais elle était si belle en l'aube mouillée
Qu'elle a cru voir quelque reine de Thulé
Et s'est enfuie au bois tout émerveillée,
Quittant le Prince et les cochons rosés,
Pendant que le vent la couvrait de baisers
En étouffant de rire sous les feuillées.
(Tristan Klingsor)